Une formation poussée en histoire des États-Unis doit obligatoirement passer par la rédaction de textes en langue anglaise. Pour survivre et, peut-être, rayonner dans le domaine, cette considération de l'engagement professionnel me semble indispensable. Mais parmi les francophones qui font partie des américanistes de ce monde, combien peuvent publier leurs travaux en langue anglaise ?
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Je ne réfère pas aux communications présentées lors de colloques que nous soumettons à l'avance aux commentateurs de nos séances, ni aux articles publiés dans des revues ou des recueils d'études. Le défi sous-entendu de la question est celui du livre (pas celui qu'on fait traduire, bien entendu).
À ce stade-ci de ma carrière, j'ai rédigé plusieurs textes en langue anglaise pour des conférences, mais encore très peu pour des revues. L'expérience des dix dernières années me donne toutefois l'occasion de voir avec enthousiasme mon futur immédiat. Je ne ferai pas ici le bilan de mes efforts de rédaction en langue anglaise; il suffit de souligner que j'ai eu recours à des lecteurs/correcteurs pendant plus de dix ans, durant et après mes études doctorales. Je me passe aujourd'hui de leur collaboration principalement parce que je termine mes textes à la dernière minute; mais aussi, j'aime le croire, parce que mes textes en langue anglaise sont acceptables pour le lecteur universitaire états-unien. À toutes les fois que je termine la lecture d'un ouvrage important en histoire des États-Unis (notamment sur le plan du vocabulaire), j'effectue pourtant un retour obligé à une réalité pesante : pourrais-je un jour présenter le résultat de mes recherches à une maison d'édition aux États-Unis ? Si je me fie à la pensée insérée dans le dernier biscuit chinois que j'ai consommé pour me consoler (« Votre persévérance portera bientôt fruit »), il faut croire que mon premier livre en langue anglaise sur l'histoire des États-Unis est au four. En ce qui concerne le temps de cuisson, il faudra repasser.
La lutte acharnée que je livre à la langue anglaise dans l'exercice de mon métier serait insignifiante si elle n'engendrait pas de leçons durables. L'une d'elles concerne la formation de mes étudiants diplômés. L'encadrement que je leur offre en histoire des États-Unis, sur le plan méthodologique et conceptuel, a en effet besoin d'inclure quelques conseils pratiques sur la diffusion des travaux en langue anglaise. C'est sans doute demander beaucoup aux étudiantes et aux étudiants de deuxième cycle; mais élargir le cadre d'une formation universitaire en histoire des États-Unis pour faire une place à la langue anglaise - si elle n'y occupe pas déjà une place prépondérante - assure une réflexion sérieuse sur la nature d'un engagement professionnel avant la transition vers le doctorat.
Je vous laisse sur la seule idée qui vient à l'esprit : « Separate, but equal ».
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